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Saturday, January 4, 2014

Poémes de l'Origine by Vesna S.

Publié une première fois en 1994, le recueil de poèmes Tant de vie s’égare d’Andrée Lacelle, à l’accueil critique alors fort favorable, connaît maintenant un second souffle avec une nouvelle édition chez Vermillon. Accompagné dès 1995 du prix Trillium de même que du prix de Poésie de l’Alliance française (en plus d’avoir été en lice pour le prix du Gouverneur général), il est clair que nous détenons là un ouvrage consacré par l’institution littéraire franco-ontarienne et dont la réédition semble plus que justifiée. Plutôt que d’offrir, tel un Patrice Desbiens par exemple, une poésie aux accents identitaires interrogeant la subjectivité franco-ontarienne dans son rapport à la langue ou au territoire, Lacelle opte pour une radiographie de l’Être, c’est-à-dire une recherche de l’origine de toute présence : elle y interroge « le secret matinal d’un premier bâillement » en entamant le « seuil troublant / d’une caresse première » et se demande « Comment dire / l’infini débris des faux commencements », là où « la genèse du monde s’étale ».  Autant dire que cette entreprise est une gageure, pourrait-on dire, à la fois métaphysique et esthétique, « une sorte de fureur [qui lui] commande de risquer le poème ». Le recueil se termine sur ce qui ressemble à une promesse aux accents d’idéal quasi baudelairien, à moins d’être une véritable prémonition : « Ailleurs / Il y a d’autres mots pour un autre monde ». La poésie de Lacelle, en quête de son origine, appelle invariablement la Poésie, en un incessant mouvement autotélique.
Dans un recueil plus récent cette fois, intitulé La lumière et l’heure. Poèmes et carnets, Lacelle fait le pari d’une poésie en prose accompagnée de tableaux de l’artiste parisienne Réjine Halimi. Encore une fois, c’est le thème de l’inchoatif et des obscures et indicibles origines qui prime, alors que la poète descend « À la source du monde / Au matin des signes », en quête de ce moment d’« Avant la lumière ». Entreprendre ces « descentes à pic dans un état d’avant les mots », c’est-à-dire « Là où tout commence », confronte l’auteure à la composante somme toute phénoménologique de sa poétique : « Je suis présente à une présence, et je regarde un détail de cette présence à un moment précis de la lumière ». Le risque de son entreprise permet même de justifier, mutatis mutandis, celle de toute poésie moderne : « Les poètes cartographient la mappemonde de nos présences en pérégrination ».
En termes strictement formels, La lumière et l’heure n’a peut-être pas la même cohésion que Tant de vie s’égare, ne serait-ce que par l’inclusion d’un chapitre épistolaire (« Quand à l’infini, clignote l’infini ») qui vient rompre avec le ton d’ensemble. Cela dit, la cohésion thématique de la poésie de Lacelle confirme qu’à défaut d’avoir clairement identifié, en la nommant, l’essence d’une originelle voie, elle possède définitivement une voix et une présence au sens qui lui sont propres.

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