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Thursday, December 5, 2013

Book review by Vesna Simovic - Humilité et profanation : Au pied de la pente douce de Roger Lemelin. Lévesque

Reviewed by Vesna Simovic

Le premier roman de Roger Lemelin, Au pied de la pente douce (1944), rompt « avec le discours de l’obéissance, de la pauvreté édifiante, de l’ordre établi, annonçant de la sorte le discours émancipateur et conquérant des années soixante ». À l’instar des Plouffe (1948), il dépeint avec réalisme et humour un microcosme paroissial en quête de son identité. Illustrant une modernité québécoise en voie d’urbanisation, théâtre de l’ascendance de l’Église catholique sur la collectivité, ces deux œuvres de Roger Lemelin lui valent une reconnaissance exceptionnelle qui traverse les frontières.
Une année avant la parution de Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy, autre texte révélateur des mœurs urbaines de la jeune génération, Au pied de la pente douce illustre pour sa part une réalité nouvelle, soit la dénonciation de l’humilité d’un certain discours catholique qu’adoptent de faux dévots « dominés par des préoccupations égoïstes ». C’est cette fausse représentation de la piété, ce semblant de vertu dont se réclament de nombreux personnages frustrés, désireux « d’accroître leur pouvoir sur la scène paroissiale », que met en relief Jacques Cardinal, professeur de littérature à l’Université de Montréal, dans son essai Humilité et profanation (2013), récemment paru chez Lévesque éditeur.
Abordant Au pied de la pente douce sous un angle d’analyse encore inexploré, Cardinal va bien au-delà de l’évocation d’une « peinture de mœurs » au ton léger et humoristique en s’intéressant à « l’ironie profanatrice » d’un texte qui dénonce à travers l’humilité chrétienne « le discours idéalisant du roman de la terre » et, par l’entremise du personnage de Jean Colin, la représentation sublimée de la souffrance et de la mort qui mènent à la transcendance. L’agonie de Jean Colin, pour ainsi dire profane puisque « au service d’aucune sublimation », illustre selon Cardinal une lucidité cruelle, un refus de « l’appel à Dieu » contraire aux principes de l’idéologie chrétienne qui appellent à la mortification, « sinon au martyre, pour éprouver [la] foi et trouver [le] salut ».
Grâce à la lecture fine et à l’écriture maîtrisée de Jacques Cardinal, l’œuvre de Roger Lemelin, quelque peu « délaissée par les chercheurs », gagne un souffle nouveau. Humilité et profanation explore avec brio une satire sociale cédant peu à peu la place au « récit-cauchemar fait d’angoisse, d’humiliations et de désespoir, envers du rêve et de l’illusion ». Un essai qui saura intéresser les lecteurs de Lemelin, au service d’un grand roman

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